Jaunisse dans les betteraves : « la survie de toute une filière »

« Cette année, on devrait avoir une perte de 40% en volume », chiffre Alain Carré.

Alain Carré, président de la Confédération Général des Betteraviers (CGB) de l’Aube, alerte sur la situation très préoccupante des planteurs dans le département qui font face à une invasion massive de pucerons verts, dans un contexte déjà peu favorable.

Quelle est la situation des betteraviers dans l’Aube ?

On est dans un contexte de baisse des prix et de mauvais rendements deux ans après la fin des quotas. Le compte n’y est pas. Cette année, alors qu’elle débutait avec un haut potentiel, le puceron a remis le moral en berne. Le poumon économique des fermes, c’est la betterave, alors que là, elle plombe les exploitations. On est dans l’impasse technique des rendements avec l’interdiction des néonicotinoïdes. Dans l’Aube, 80% des parcelles sont touchées par la jaunisse. Et c’est toute la filière qui est impactée, les agriculteurs mais aussi nos industries.

Quelles sont les solutions ?

Notre président Franck Sander a rencontré le nouveau ministre de l’Agriculture, nous avons rencontré le député Grégory Besson Moreau en fin de semaine dernière avec la FDSEA de l’Aube (lire encadré). On demande aux élus le retour des néonicotinoïdes sur l’enrobage des semences, le temps de trouver une alternative. Il en va de la survie de nos betteraves, de nos campagnes dans une diagonale du vide. On demande aussi une indemnisation financière à l’état, ce qui n’est encore jamais arrivé, pour accélérer sur la recherche notamment. Cela pourrait se faire mais on ne fait pas tourner des usines avec de l’indemnisation.

Vous avez réussi à vous entendre avec les coopératives comme Tereos et Cristal Union sur le sujet. Mais la CGB demande la hausse des prix des contrats, n’est-ce pas un peu ambiguë comme position ?

La CGB est avant tout là pour défendre le revenu des planteurs. Des betteraves à 22 euros la tonne, cela ne passe pas. On demande 25 euros et les producteurs ne veulent pas attendre la fin des contrats pour diminuer leurs surfaces de production. C’est un difficile compromis. En même temps, ce n’est pas entendable de dire, dans trois ans cela ira mieux (les contrats courent jusqu’en 2022 avec Cristal Union). On est dans une crise de confiance, et la balle est dans le camp des coopératives.

Dans ce contexte, quelles sont les prévisions de récolte ?

On est sur une campagne plus courte qui devrait démarrer autour du 30 septembre. Par contre avec la jaunisse, on est sur une prévision de moins 40% en volume. Et cela risque de s’amplifier. On voit jaunir les parcelles à très grande vitesse et on s’attend à des pertes de rendements historiques (moins de 80 tonnes / ha) avec plus de 1 000 euros de pertes à l’hectare dans les cas les plus alarmants. Cela risque sérieusement de mettre en cause les assolements qui se décident en août et septembre.

© Propos recueillis par Emeline Durand

 

Les élus priés de se mobiliser

Suite à l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018 à l’invasion de pucerons verts dans les champs cette année, les betteraviers sont dans l’impasse technique. Aucun traitement n’est assez efficace pour parer à une telle situation. Dans ce contexte, les betteraviers retroussent les manches pour sensibiliser les élus à cette crise.

Grégory Besson Moreau, député LREM s’est rendu à la ferme des Vacantes, à Luyères, le 17 juillet pour constater l’ampleur des dégâts et plaider la cause des planteurs dans les plus hautes instances. L’élu s’était déjà mobilisé pour demander la nomination d’un délégué  interministériel chargé d’accompagner la crise de la filière betterave-sucre avant le changement de gouvernement.

Les députés aubois Valérie Bazin-Malgras, Gérard Menuel et la sénatrice Evelyne Perrot ont de leur côté, écrit au ministre de l’Agriculture mi-juillet pour demander de soutenir la filière. « On doit aussi rencontrer le préfet », ajoute Alain Carré, qui compte sur la mobilisation de chacun pour que le problème des betteraviers soit entendu. Et prévient que les planteurs sauront « faire pression » à la rentrée s’ils ne sont pas entendus. Le 14 juillet, le nouveau ministre Julien Denormandie a aussi rencontré la CGB dans une exploitation en Seine-et-Marne. Les betteraviers demandent au gouvernement que des solutions soient trouvées au plus vite. « Le Ministre de l’agriculture nouvellement nommé doit immédiatement prendre la mesure de cette crise qui est de nature à saper les fondamentaux d’une filière qui a fait preuve de responsabilité pour nourrir les Français et fournir des alcools désinfectants (pour gel hydroalcoolique) pendant la crise, et les approvisionner en biocarburant renouvelable dès la reprise d’activité », a indiqué Franck Sander, président de la CGB.