Plan de relance européen : le budget PAC conforté

L’enveloppe allouée à la France pour la PAC passera de 62 à 62,4 milliards d’euros sur la période 2021-2027. © C. GLORIA

Le Conseil européen des chefs d’état et de Gouvernement sont parvenus à un accord « historique » selon le Président Emmanuel Macron pour un grand plan de relance européen. Le budget PAC en sort renforcé.

Après quatre jours et quatre nuits de négociations, l’Europe a adopté le 21 juillet un plan de relance européen qualifié par le Président de la République français d’historique. Il prévoit un budget de 1074 milliards d’euros de dotation sur sept ans pour soutenir l’économie  frappée par la crise du coronavirus. Le budget PAC en sort renforcé a annoncé le 22 juillet Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation : 386,7 milliards d’euros (hors inflation) lui seront consacrés pour la période 2021-2027, contre 380 milliards d’euros pour a période 2014-2020. Dans ce budget, 291,1 milliards d’euros seront alloués aux aides directes aux agriculteurs, le « premier pilier » de la PAC, distribuées en fonction des surfaces et de la production. De plus, 95,5 milliards d’euros seront attribués au second pilier dédié à la modernisation du matériel agricole, à la transition vers l’agriculture bio… au service du développement rural.

La France, principale bénéficiaire

L’enveloppe allouée à la France serait de 62,4 milliards d’euros contre 62 milliards d’euros sur la période précédente. Elle reste stable se félicite le ministère de l’Agriculture, mais en apparence seulement. En tenant compte de l’inflation, elle subirait en effet une légère baisse. Ce que n’ont pas manqué de souligner les syndicats professionnels agricoles. « Par rapport au point de départ, les négociations ont permis des avancées réelles sur le budget adopté  ont souligné la FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) dans un communiqué. Ils regrettent toutefois que le maintien du budget cache en réalité « une érosion puisque, comme lors de chaque round de négociation, l’impact de l’inflation n’est pas pris en compte. Nous attendons de l’UE qu’elle affirme clairement son ambition pour le renouvellement des générations d’agriculteurs et leur mission première : celle de contribuer à sa souveraineté alimentaire. » L’enveloppe française tiendrait compte d’un recul des paiements directs aux agriculteurs (de 52 à 51 milliards d’euros sur sept ans) et une augmentation de 10 à 11,4 milliards d’euros pour soutenir les petites exploitations de zones défavorisées, l’installation des jeunes agriculteurs ou encore le développement de l’agriculture biologique.

Les syndicats vigilants

Si les syndicats ont acté « une nouvelle étape franchie pour l’Europe » et indiqué, que la Politique agricole commune reste « une ambition à consolider ». Les deux syndicats qui ont salué « le compromis historique » estiment qu’il faudra « être vigilant sur l’ambition de la Commission dans les stratégies “Farm to fork” et “Biodiversité 2030” visant à accélérer les transitions, notamment écologiques, de l’agriculture ». « Avec des moyens supplémentaires limités, les objectifs devront être adaptés : difficile de demander aux agriculteurs de faire plus sans leur en donner les capacités financières », préviennent les représentants syndicaux.

 

La prochaine PAC sera plus verte

Réunis à Bruxelles, le 20 juillet, les ministres de l’Agriculture ont discuté de l’architecture verte de la prochaine PAC et de la nature et du niveau des engagements des agriculteurs en ce sens.

Les ministres de l’Agriculture européens se sont retrouvés ensemble physiquement pour la première fois depuis le mois de janvier. Ce n’était pas la seule nouveauté : il s’agissait de la première réunion sous présidence allemande et aussi le baptême du feu pour le nouveau ministre de l’Agriculture français, Julien Denormandie. Lors de cette réunion, la Commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides a indiqué qu’elle présentera ultérieurement une proposition législative dans laquelle des objectifs quantitatifs de réduction des pesticides seront fixés. Parmi les autres mesures emblématiques, elle a plaidé en faveur de l’étiquetage nutritionnel et du bien-être animal ainsi que sur la limitation de la promotion des aliments qui ne sont pas considérés comme sains.
De son côté, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojchiechowski a davantage évoqué le lien entre la stratégie « De la ferme à la table » et la « Biodiversité » avec la réforme de la PAC. Il a précisé qu’une discussion sera lancée avec les Etats membres pour identifier leurs priorités en la matière en vue d’élaborer dans chaque Etat un plan stratégique destiné à assurer la durabilité de l’agriculture. Des recommandations en ce sens seront publiées par la Commission à la fin de l’année 2020. Auront-elles un caractère contraignant ? La question n’est pas encore tranchée et elle a suscité de longs débats entre les ministres.

Renforcer le pouvoir des agriculteurs

Le commissaire a également mis l’accent sur la nécessité de renforcer le pouvoir des agriculteurs le long de la chaîne alimentaire grâce à des coopératives ou des organisations de producteurs et le développement des circuits courts. Ce dernier sujet lui tient particulièrement à cœur. D’une manière générale, la majorité des Etats membres adhère à l’esprit du Pacte vert et à la nécessité de tendre vers un niveau plus élevé d’ambition environnementale dans la PAC. Les discussions portent davantage sur la position du curseur, notamment sur les programmes écologiques. Seront-ils ou non obligatoires pour les agriculteurs ?
Autre sujet qui divise : le pourcentage de terres non productives à imposer dans la conditionnalité. Par ailleurs, de nombreuses délégations, dont la France, ont insisté sur la nécessité de mettre en cohérence la politique commerciale de l’Union européenne avec la stratégie de la « Ferme à la table ». A savoir que les normes imposées aux producteurs européens doivent s’appliquer aux produits importés pour garantir des conditions de concurrence équitables aux agriculteurs européens. Quant à l’information du consommateur, un certain nombre de pays se sont prononcés en faveur de l’étiquetage du bien-être animal, l’Allemagne étant particulièrement en pointe sur ce sujet avec l’ambition de faire une proposition législative en la matière.
D’une façon générale, la présidence allemande a repris à son compte les orientations de la Commission européenne sur l’architecture verte de la PAC. Elle est d’ailleurs déterminée à trouver un compromis dans les mois qui viennent. Les discussions se poursuivront tout l’été.