« Et maintenant, limiter la casse »

Le distillateur travaille en famille (ici avec son fils) : pour la survie de l’entreprise artisanale, il cherche de nouveaux brasseurs. © DIDIER BARBE

Pour beaucoup, la fin du confinement ne rimera pas tout de suite avec reprise d’activité. Didier Barbe, distillateur à Lusigny-sur-Barse sait qu’il va devoir tendre le dos pour s’en sortir. Et faire des choix judicieux.

On le sait, les plus petites entreprises paient un lourd tribu dans la crise économique liée au Covid-19. A Lusigny-sur-Barse, Didier Barbe en fait actuellement, comme d’autres, l’amère expérience. Après dix jours d’arrêt total de son activité de distillerie au début du confinement, il a dû rapidement se résigner : face à un carnet de commandes désespérément vide – il approvisionne principalement les cafés, hôtels et restaurants en Champagne et en Bourgogne – pendant la période d’ordinaire la plus intense de l’année après Noël, il a dû mettre sa famille au chômage partiel. « Je travaille avec ma femme et mon fils. On a pu terminer notre campagne de distillation qui court de janvier à mars. Mais côté commercial, on est à l’arrêt », déplore l’artisan distillateur installé depuis 1997.

Moins de raisins achetés à la vendange

Pour lui, ce non démarrage de printemps sonne le glas : « on devrait perdre 30% de notre chiffre d’affaires cette année », table Didier Barbe. Sur le moyen terme, il faut aussi comprendre que l’artisan devra réduire ses approvisionnements d’un tiers. « En septembre à la vendange, on sait déjà que l’on va diminuer nos volumes de raisins car on aura encore du stock de bouteilles à écouler », justifie-t-il. Impactant du coup les viticulteurs et maisons de champagne avec qui l’entreprise a l’habitude de travailler. Distillerie Barbe élabore des produits traditionnels comme le ratafia, la fine et le marc issus des raisins de champagne. L’artisan, qui vend en moyenne entre 25 000 et 30 000 bouteilles par an, compte dans ses fournisseurs d’autres entreprises agricoles et de l’agroalimentaire locales : sa liqueur à base de safran produit à Saint-Lyé est obtenue par infusion du pistil dans la fine fait-maison. L’un de ses produits, le limoncello, est aussi conçu par infusion dans de la fine de champagne. Au printemps, Didier Barbe devait aussi sortir sa dernière pépite : du whisky « made in Aube », qui vieillissait depuis trois ans en fûts de chêne. « Heureusement, tempère le distillateur, toutes les bouteilles avaient été réservées ».
L’avenir de cette production paraît aujourd’hui incertain. Las de ces épisodes à répétition (Didier Barbe fait partie de ceux qui ont souffert des Gilets Jaunes, des grèves sur fonds de retraite), l’artisan a du faire des choix : « j’avais un projet d’extension  de la distillerie, il n’est plus d’actualité ». Faire durer le matériel un peu plus longtemps, mettre de côté un potentiel développement de l’activité pour se concentrer sur l’essentiel : le redémarrage de la production. Ce sont ses objectifs, pour assurer un avenir. Pas le sien, mais celui de son fils, prêt à reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Depuis quelques jours et la levée du confinement, Didier Barbe peut à nouveau rencontrer ses clients, fait le tour de ses points de vente. Il cherche aussi de nouveaux brasseurs pour accroître l’activité de distillerie. « Pour l’instant, on travaille avec trois brasseries dont une Auboise ; on aimerait en avoir une ou deux de plus », espère Didier Barbe.

© Emeline Durand