Dossier spécial coronavirus : « Soyons vigilants si on veut continuer à produire »

Trop tôt pour connaître le véritable impact économique de la crise dans les exploitations agricoles. Mais il faut redoubler de prudence, prévient Joël Hospital, président de la FDSEA de l’Aube.

« Je vois trop de situations où les gens ne font pas attention aux mesures de protection », alerte le président de la FDSEA de l’Aube.

Près de trois semaines après le début de la crise, comment jugez-vous la situation de l’agriculture auboise ?

Le contexte commence à se tendre pour certains secteurs : c’est le cas de la filière lait et fromages avec les baisses de production qui se mettent en place (lire page 3, NDLR). Notre AOP Chaource est pleinement concernée avec de fortes réductions des ventes et des prix de lait qui diminuent. C’est difficile aussi pour le maraîchage même si nous avons constaté de nombreux volontaires pour prêter main forte. Les céréaliers eux, ont la tête dans les champs : les semis orge de printemps et betteraves sont pratiquement terminés, les gens vont commencer à semer les tournesols et maïs. Pour l’instant l’activité continue, nous n’avons pas connaissance d’exploitation impactée par des malades, comme c’est le cas pour nos collègues vosgiens et alsaciens. Malgré tout nous devons rester très vigilants.

Qu’est- ce qui vous inquiète ?

Je vois trop de situations où les gens ne font pas attention aux mesures de protection. Planter des bulbes sans masque les uns à côté des autres, ce n’est pas acceptable : oui, c’est difficile de respecter les consignes mais il en va de notre sécurité, de celles des autres et surtout de la sécurité de nos exploitations. Nous avons la chance de pouvoir continuer à travailler, à planter, à produire. Si demain des gens tombent malades, comment vont se poursuivre les chantiers ?

L’agriculture joue-t-elle son avenir dans cette crise mondiale ?

Je voudrais croire que les gens ont compris l’importance de consommer français, d’acheter près de chez eux. Ils sont en train de changer leur mode de consommation, ça fait du bien à l’agriculture française. Mais est-ce que cela va durer ? Ne nous disons pas que nous sommes les meilleurs, il faut savoir rester humble. Mais disons-nous que nous sommes bons. Il faudra le prouver dans la durée, assurer la continuité, développer de nouveaux modèles. A condition qu’on nous en donne les moyens. La MSA a très bien réagi avec le report des cotisations mais pour le reste, on est dans le flou. Combien de temps va-t-on pouvoir tenir ? Comment remplacer les éleveurs qui, à côté de chez nous tombent malades. Qui va s’occuper de leurs bêtes ? Jusqu’à quand les transporteurs vont-ils continuer à travailler ? Il y a encore beaucoup trop d’incertitudes.

S’adapter semble aujourd’hui être le maître mot …

On en a un exemple très concret avec la réouverture des marchés. Il faut penser avant tout à nos producteurs et à leur sécurité : les gros marchés ne sont pas envisageables mais il nous faut trouver des solutions, des choses simples pour que les producteurs continuent de vendre leurs productions. Nous avons dans nos villages des terrains de foot, pourquoi ne pas répartir les producteurs sur de plus grandes surfaces ? Organiser de la vente à domicile ? Nous allons travailler sur ce point notamment, avec la Chambre d’agriculture.

Propos recueillis par Emeline Durand