Zone de non-traitement : la mesure ne passe pas

Alors que la FNSEA demande à repousser l’arrêté fixant une zone sans traitement (ZNT) le long des habitations, la FDSEA de l’Aube suspend la signature de la charte Riverains élaborée avec les acteurs du monde agricole.

« Notre objectif reste le zéro mètre de ZNT et il est juridiquement possible », défend la FDSEA de l’Aube. © N. OUVRARD

Elle devait être signée par la profession agricole dans son ensemble et les maires du département en janvier, après de longs mois de mise en œuvre. La charte Riverains devra encore attendre. La FDSEA de l’Aube vient d’annoncer qu’elle suspendait la démarche. Dans le viseur de l’organisation syndicale départementale, l’arrêté du Gouvernement fixant une zone de non traitement d’au moins trois mètres le long des habitations. « Nous refusons d’appliquer une réglementation imprécise, incohérente, en défiance de la science, en méconnaissance des réalités agronomiques et surtout dans une urgence injustifiée », s’offusque la FDSEA de l’Aube. Une position confortée par la Chambre d’agriculture de l’Aube. L’organisation syndicale dénonce « une peur irrationnelle de l’exposition aux produits de protection des cultures », alimentée par les activistes anti-phyto qui « ont fait naître dans le déni total des évaluations de risques exhaustives, des normes en vigueur et du professionnalisme de leurs utilisateurs. » 

Flou total

« Notre objectif reste le zéro mètre de ZNT et il est juridiquement possible, insiste Joël Hospital, président de la FDSEA de l’Aube bien décidé à rester droit dans ses bottes. On a toujours défendu cette position, au motif que rien ne nous prouve l’efficacité d’une telle démarche. La Charte Riverains devait nous permettre de réduire ces zones à zéro, engageant les agriculteurs à utiliser des techniques réductrices de la dérive. Aujourd’hui, pour certains agriculteurs c’est trois mètres, là-bas c’est cinq mètres : quelle distance autour des lieux accueillant des enfants, faut-il prendre en compte la distance de la maison ? Du jardin, de la barrière ? On est dans le  flou le plus total, les agriculteurs ne savent pas quoi faire ; on ne peut pas appliquer cette loi ». La FDSEA déplore aussi le manque de cohérence : « On nous fixe des limites alors que dans le même temps, on continue de laisser entrer sur le marché français des produits alimentaires traités avec des substances interdites en France, au mépris de la loi Egalim. On continue d’autoriser l’épandage d’insecticide au-dessus des rivières pour éviter les moustiques, on laisse les citoyens utiliser librement chez eux des produits phytosanitaires. On est prêt à retravailler avec le Gouvernement mais il faut que la réglementation soit équitable et tienne aussi compte de la réalité agronomique», fulmine Joël Hospital.

Autre point de saillie, les risques économiques de la mise en place d’une telle mesure : dans le département, les zones sans traitement représenteraient près de 3 000 hectares. « On demande à ce qu’il y ait une compensation économique martèle le président de la FDSEA, ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui. Le Gouvernement créé toujours plus de charges, mettant à mal la santé financière des exploitations. C’est inacceptable.»

© Emeline Durand

« Il faut changer nos pratiques »

Entre 15 et 18 hectares concernés. Agriculteur à Villacerf, Philippe Champignolle fait partie de ceux qui sont directement impactés par la mise en place de zones de non traitement. « C’est handicapant admet le céréalier aubois, président départemental de CerFrance parce qu’il va nous falloir repenser nos cultures sur ces champs, pas seulement sur les bandes» Sur ces petites parcelles situées à deux pas d’un lotissement qui a fleurit dans la commune il y a une dizaine d’années, l’agriculteur sait que les choses doivent changer, et vite. « On se retrouve systématiquement face à des gens virulents, qui appellent la gendarmerie. C’est de plus en plus tendu alors que l’on a déjà réduit nos IFT de 30%, que l’on utilise la technologie. Il faut faire de la pédagogie pour continuer à avancer. Avant même la parution de cette loi, on a déjà réfléchi à une alternative ». En 2020, Philippe Champignolle plantera donc du chanvre à cet endroit, qui ne nécessite pas de pesticides. Avant la mise en place d’une solution plus pérenne.  « On a un projet de méthanisation collectif qui nous permettra de développer d’autres cultures. Peut-être aussi de rendre service à d’autres agriculteurs, car on aura besoin de gisements. »

La FNSEA réclame un moratoire
Suite de la parution au journal officiel du 29 décembre des textes imposant des zones de non-traitement et leur application dès le 1er janvier 2020, la FNSEA exige du ministre de l’Agriculture un moratoire. Elle demande que l’application de l’arrêté soit repoussée au moins à la prochaine période culturale. « Ce délai permettra de poursuivre le travail sur les chartes de bon voisinage qui portent la voie de la raison, du dialogue et du bien vivre ensemble dans les territoires. Il permettra aussi et surtout au gouvernement de clarifier certaines zones d’ombre de l’arrêté et de disposer de l’avis de l’Anses pour compléter les moyens reconnus de réduction de la dérive », argumente la FNSEA. Elle demande également qu’en matière d’urbanisme, les aménageurs privés et publics incluent d’ores et déjà de telles zones de transition dans l’emprise de leurs futurs projets. Elle réclame aussi une prise en charge économique du manque à gagner pour les agriculteurs impactés ainsi que la possibilité de déclarer les zones non traitées en SIE, jachères, prairies ou Maec.