« Contractualisons avec les filières qui émergent »

Dans un contexte particulièrement difficile pour l’agriculture auboise, Alain Boulard, président de la Chambre d’agriculture de l’Aube, appelle à s’appuyer sur les industries du département pour rebondir.

Luzerne, chanvre, agroforesterie… La chambre consulaire dresse la liste des pistes envisageables dans le département. © CA10

Comment se porte le monde agricole en cette fin 2020 ?

On est dans une situation quasi-inédite. Toutes les filières ou presque (Les pommes de terre avec des contrats antérieurs sont un peu moins touchées) sont impactées. C’est quelque chose que l’on n’avait jamais vu. D’habitude, les vignes et les betteraves ne sont pas touchées, ou dans une moindre mesure. On a déjà eu des crises, secteur par secteur. Mais aujourd’hui on  a affaire à une vraie crise globale. On a une conjoncture marché qui n’est pas euphorique avec des cultures qui sont structurellement déficitaires, exception faite du blé, et encore par pour tout le monde. Mais c’est la sécheresse qui impacte le plus notre département.

Il y a une vraie urgence quant à la problématique de la gestion d’eau. Que peut faire la Chambre d’agriculture sur ce point ?

Ça fait un moment déjà que l’on a tiré la sonnette d’alarme. L’eau est plutôt bien gérée dans le nord du département grâce à une ressource présente. Par contre pour les autres zones, il faut trouver une solution. Il faut que l’on ait un moyen de stocker l’eau, étudier les besoins et les possibilités. On a des problèmes semblables aujourd’hui à ceux du sud de la France. Il faut qu’on s’inspire de leurs solutions : bacs de rétention d’eau, retenues collinaires, mais pour cela il faut que tout le monde se mette autour de la table. Il manque une vraie coordination et une écoute de l’administration sur ce sujet. C’est très inquiétant car avec l’accumulation des mauvaises années, on sent monter un sentiment de découragement de la profession.

Quelles solutions sont possibles pour que l’agriculture auboise s’en sorte ?

Notre Cellule Réagir accompagne déjà ceux qui sont en grande difficulté. Le Covid a été un accélérateur de problèmes, on sait que certains vont rencontrer des soucis de trésorerie à un moment et on sera prêt à agir. Mais notre rôle est de nous occuper aussi de ceux qui sont appelés à rester. C’est ce que nous faisons avec nos dispositifs Oser en Barrois, Oser en Craie, Oser Polyculture élevage. Il faut réfléchir à quelles peuvent être les pistes les mieux adaptées selon le secteur, la réglementation. Nous sommes un peu en retard par rapport à d’autres sur l’accompagnement de projets de moindre envergure, je pense aux circuits courts sur lesquels nous devons travailler avec les collectivités, département et région. La diversification avec la méthanisation, le photovoltaïque au sol. En revanche, l’Aube a la chance d’avoir des industries qui continuent de se développer autour du chanvre, de la luzerne. On a de beaux projets qui arrivent notamment avec l’agroforesterie. Je suis convaincu que nous saurons rebondir, nous renouveler, en contractualisant avec ces filières qui émergent et se développent.

© Propos recueillis par Emeline Durand