La cellule Réagir en alerte

Trente-trois exploitations supplémentaires ont été identifiées comme inquiétantes depuis le début de la crise. Mais la météo et la perspective d’une nouvelle mauvaise récolte fait craindre le pire. © LUCIE DEBUIRE / FRÉDÉRIC THÉRY

La crise liée au Covid ne fait qu’aggraver des situations déjà problématiques. Les signalements se multiplient dans le département, toutes filières confondues.

On le sait, certaines filières agricoles ont été très pénalisées par l’arrêt brutal de la consommation en France liée au confinement. Pour suivre les entreprises en difficultés, la Chambre d’Agriculture a mis en place une cellule d’urgence : la cellule Covid. En parallèle du dispositif Réagir, qui accompagne d’un point de vue économique comme social 83 agriculteurs en difficulté dans le département (lire par ailleurs), il s’agissait d’apporter une réponse rapide à ces exploitations dont l’activité s’est arrêtée ou presque, du jour au lendemain.

Covid : 33 exploitations menacées

« Les plus touchés et dès le départ, rappelle Marc Schreiber, référent de la cellule Réagir dans l’Aube sont les horticulteurs, la vente directe, les exploitations ovines, les fermes pédagogiques et centres équestres ». Trente-trois exploitations ont ainsi été identifiées comme inquiétantes depuis le début de la crise. En plus des aides directes de l’état et de l’obtention de prêts garantis, mesures décidées par le Gouvernement dans le cadre exceptionnel de la crise sanitaire, les agriculteurs entrés dans ce dispositif sont suivi de très près. « On fait un point précis de l’impact du coronavirus sur les exploitations. On regarde quelles solutions sont envisageables en terme de restructurations d’emprunts, de négociation avec les créanciers », complète Marc Schreiber, qui assure rester en vigilance sur l’ensemble de ces filières.

Le paysan pudique
Mais l’inquiétude ne se limite pas à ces secteurs et à ces difficultés à très court terme. La crise a entraîné une modification des flux, des échanges, des prix à une échelle plus large que les limites départementales ou nationales. Et la météo, les chaleurs, fortes pluies, sécheresses par endroit, font craindre le pire à Marc Schreiber. « Beaucoup d’agriculteurs ont retourné leur colza, les viticulteurs se posent des questions sur leurs stocks de champagne ; avec les renégociations à court terme, on s’attend à une période difficile d’ici la fin de l’année », observe-t-il. D’autant que certains se trouvaient déjà accompagnés par la cellule Réagir.
Un avis partagé par Olivier Despeyroux, secrétaire général adjoint de la FDSEA de l’Aube. L’élu sait que son secteur, le Barrois, est particulièrement impacté (lire par ailleurs) : « La distribution des masques nous a permis d’aller à la rencontre des agriculteurs. C’est difficile de déceler d’éventuelles fragilités. Le paysan est pudique, on ne sait pas forcément qui a besoin d’aide, quelles sont les situations économiques ou même sociales des exploitations. » Pour certains, le contexte complique en effet encore un peu plus les choses. Avec l’arrêt de la restauration hors domicile et la fermeture des marchés, les éleveurs bovins ont été durement touchés par le confinement. « On leur a demandé de réduire leur production de lait, certains ont dû faire face à une baisse des prix chez leurs collecteurs, le tout dans un contexte déjà très tendu », s’alarme Marc Schreiber. Dans l’Aube, au moins sept d’entre eux sont lourdement impactés par la situation. Covid ou pas, la cellule Réagir redouble de vigilance ces dernières semaines, dans le Barrois comme partout ailleurs. « Notre travail est de reprendre contact avec ceux identifiés dans la cellule Covid mais aussi avec ceux déjà suivi par Réagir pour trouver des solutions », explique le référent du dispositif. L’an dernier, quatre exploitations agricoles ont dû cesser leur activité dans l’Aube. Du jamais vu depuis la création de la cellule Réagir il y a dix ans.
© EMELINE DURAND

C’est à l’agriculteur de faire la démarche

Créée il y a dix ans dans l’Aube et depuis, dupliquée au niveau régional, la cellule Réagir est coordonnée par la Chambre d’agriculture, en lien avec la MSA et l’association Egée – association nationale de seniors bénévoles qui vient en aide aux agriculteurs en difficulté, avec le soutien du conseil régional, du Crédit Agricole, de Groupama, des coopératives et organisations professionnelles agricoles. A condition qu’ils le souhaitent et qu’ils en fassent eux-mêmes la démarche, souligne Marc Schreiber. « C’est très important car cela veut dire qu’il se met en dynamique pour trouver des solutions ». Lors d’un premier entretien, l’exploitant explique sa situation. S’il rentre dans les critères de la cellule, les différents intervenants établissent l’accompagnement le plus adapté pour aider l’exploitant à trouver une issue favorable : souvent, il est question de conciliation bancaire avec des emprunts à restructurer, mais le dispositif, en lien avec la MSA prend aussi en compte le volet social avec intervention d’une assistante sociale si nécessaire. « Il y a un vrai travail global à faire : se diversifier, chercher un complément de revenu, se former pour pouvoir s’en sortir », complète le référent aubois. Depuis dix ans, le nombre d’exploitants pris en charge par la cellule ne cesse d’augmenter, avec une hausse significative depuis 2016, année catastrophique pour les rendements de beaucoup d’exploitations. SI huit cas sur dix se soldent par une issue favorable, Marc Schreiber relativise : « on ne touche qu’une partie des personnes en difficulté. Il y a beaucoup plus de situation d’endettement dans le département. »

Contacter la cellule Réagir : 03.25.43.43.67

 

Le Barrois souffre

Des agriculteurs inquiets. Voilà ce que constate Olivier Despeyroux sur son secteur, le très problématique Barrois. Et la crise mondiale qui se joue actuellement pourrait accélérer les choses. « Les années atypiques se succèdent, la moisson cette année ne sera pas formidable, à part sur les blés mais les prix ne sont pas là. Je suis inquiet de la future réforme de la Pac. Cela, sera pire si les aides diminuent, liste l’élu FDSEA. Les gens travaillent pour rien, dans une région où la diversification est compliquée. Chaque année j’ai l’impression de me répéter, mais c’est de plus en plus tendu. J’aimerais dire que ça va, mais ce n’est pas le cas. »