Le prix reste le problème numéro un

Les freins à l’essor de l’industrie du biosourcé ne viennent pas d’un manque de maîtrise des biotechnologies, ont affirmé plusieurs intervenants lors de la journée annuelle du Club des bioéconomistes.

Miscanplus, produit de paillage ou litière à base de miscanthus. © G. OMNÈS

« Au-dessous de 100 $ le baril, les industries de substitution de produits dérivés du pétrole sont gelées », a indiqué Philippe de Braeckelaer, directeur général du centre de recherche Extractis, en faisant visiter son laboratoire et son pilote industriel. Extractis est spécialisé dans la mise au point de produits et de procédés d’extraction végétale pour la cosmétique, la nutrition, la chimie, à Dury, situé près d’Amiens. La journée annuelle du Club des bioéconomistes, qui s’est tenue à Amiens le 15 octobre, a été l’occasion de rappeler que le premier frein au développement du biosourcé est la compétitivité prix avec le pétrosourcé, et non les technologies. « Tout le savoir-faire qui a été élaboré par ces industries n’est pas enterré. Il ressortira ». Actuellement, le cours du baril est entre 55 et 60 $ le baril. « Le cours du pétrole remontera forcément car nous sommes dans une course contre la montre », a rappelé Claude Roy, président du Club des bioéconomistes. L’accroissement de la consommation de pétrole, qui n’est sans doute pas près de s’arrêter, conduit l’extraction pétrolière à puiser le pétrole dans des conditions de plus en plus coûteuses. « Les gisements de pétrole faciles à pomper seront à sec vers 2050 », a rapporté Claude Roy. Une hausse excessive des cours du baril provoquerait une surchauffe de l’industrie du biosourcé, qui ne serait pas souhaitable pour la collectivité : « À 200 $ le baril, on brûle les commodes Louis XVI et on méthanise le foie gras. Les fluctuations du cours du pétrole peuvent être une plaie de nos sociétés. »

Filières tracées

L’industrie du biosourcé pâtit également de l’atomisation de son offre, a ajouté Philippe de Braeckelaer : « Dans l’industrie du biosourcé, on a tous les outils qu’il faut de catalyse, de séparation, de purification, etc. La contrainte majeure reste le sourcing (l’approvisionnement en matière première) ». Les gisements des co-produits utilisables sont éparpillés sur le territoire, et leur regroupement peut être coûteux. Dans d’autres cas, les gisements sont en trop petite quantité : « Même si les co-produits du parage de l’ananas contiennent des molécules intéressantes, si le gisement n’est que de 50 tonnes par an, c’est insuffisant », a-t-il poursuivi. Mais « la recherche de filières tracées et contractualisées pourrait permettre de pallier ce problème », a suggéré Philippe de Braeckelaer.

Des problèmes « culturels »

Résultat, la filière a du mal à décoller en France. Bon nombre d’extraits de plantes proviennent aussi des pays de l’Est, qui ont de bons techniciens et des matières premières à coûts faibles. « Dans tout ce qui est arômes, pigments, éléments actifs de cosmétiques, la relocalisation de ces débouchés ne se fera pas tant que des entreprises ne s’installeront pas en France pour valoriser les co-produits qui existent », a commenté Philippe de Braeckelaer. La provenance locale peut apporter un plus en termes de marketing à des entreprises qui cherchent à se différencier. Dans quelques cas, le problème est « culturel ». Comme pour les macro-algues, qui peuvent servir à la production d’un ingrédient qui remplace le sel. Le climat du littoral français pourrait se prêter à des cultures de macro-algues, mais « ce genre de production n’est pas dans la culture française comme c’est le cas en Chine et au Japon ». Pour ce produit spécifique, les industriels vont donc s’approvisionner dans ce pays.