« Aller au-devant des consommateurs doit faire partie de notre métier »

En réaction aux vidéos d’associations anti-viande, qui se multiplient dans les médias, les citoyens se posent de plus en plus de questions vis-à-vis de l’élevage et de la légitimité de la consommation de viande. Pour leur répondre, Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), témoigne sur la nécessité pour les éleveurs de communiquer davantage sur les pratiques et sur les évolutions importantes qui ont eu lieu dans le métier.

Que pensez-vous des réactions des consommateurs qui considèrent que l’élevage français est trop intensif et peu respectueux du bien-être animal ?
Ces réactions montrent qu’il y a une vraie déconnexion entre ce que l’on fait dans nos fermes et ce que perçoit le consommateur. Plusieurs sujets remontent, avec énormément de questions sur la quantité de viande, la nécessité de manger moins et de manger mieux remonte. Nous, la filière française, nous rentrons dans ce schéma, mais à condition qu’on définisse le « mieux ». Car les consommateurs décrivent souvent un modèle d’élevage à deux vitesses, ce qui existe, mais à l’échelle de la planète et non pas à l’échelle de la France où l’élevage de bovins viande, c’est 60 hectares, 55 vaches, avec toujours ce rapport entre la taille du troupeau, l’espace disponible pour le troupeau, et l’humain qui suit le troupeau. Ces proportions garantissent un système de production à la fois vertueux, qui maintient le lien au sol mais favorise aussi le bien-être des animaux comme des éleveurs.

Et pourtant, les gens semblent penser que les pratiques d’élevage étaient plus vertueuses avant…
Les gens ont l’impression qu’il y a plus d’atrocités qu’avant, et à ce niveau-là, on peut parler d’un vrai déficit de communication de la part des éleveurs. Moi, j’ai la même exploitation que mon grand-père, que mon arrière-grand-père. Par contre, les conditions d’élevage ont énormément évolué pour le troupeau. A l’époque de mon arrière-grand-père, les vaches étaient attachées pendant 6 mois, elles sortaient seulement matin et soir pour aller boire, elles étaient logées sur du pavé. Aujourd’hui mes animaux sont nourris matin et soir, ils ont de l’eau à volonté, on change la paille tous les jours… Les conditions d’élevage ont été améliorées dans le sens du bien-être.

Quelle doit-être l’attitude des éleveurs face à ce déficit d’information ?
C’est vexant de voir que les gens pensent que l’éleveur n’a plus d’intérêt pour ses animaux, alors que le souci du bien-être animal, c’est la clé de la réussite d’un élevage. C’est blessant, mais il faut dépasser ce stade pour rebondir et expliquer que l’on a tout intérêt à bien élever nos animaux. S’il y a controverse, c’est qu’il y a question, et s’il y a question, on se doit d’apporter des réponses. Aller au-devant des consommateurs, ça doit faire partie de notre métier aujourd’hui. Il faut aussi être en mesure d’étayer nos propos, en continuant à mener des études, investir dans la recherche et le développement, continuer à élaborer des chartes de bonnes pratiques et les exposer au niveau de la société civile et des consommateurs. Les vidéos L214 et des autres associations portent sur des exceptions dans les abattoirs, qui sont condamnables mais ne sont pas la majorité. On se doit, sur ces sujets d’aller expliquer ce qu’on fait, quelles sont les vraies pratiques des éleveurs, les vraies pratiques en abattoirs. Nous devons adopter une posture plus offensive sur ces sujets-là.

Quelles sont les actions de la filière à ce niveau ?
A Interbev, nous avons fait le choix d’une logique de RSE. On s’engage dans un pacte à tous les niveaux de la filière, ce n’est pas du marketing, c’est un véritable engagement. Nous allons nous appuyer sur la norme ISO 26 000 et nous faire auditer et contrôler, la première évaluation aura lieu en janvier 2018. Il s’agit d’intégrer, à chaque échelon, ces enjeux sociétaux en matière de bien-être animal, de nutrition santé, de durabilité du système, mais aussi de faire entendre tous les rôles et services rendus à la société par notre filière. Nous avons aussi lancé une communication autour des viandes racées, à travers des petits films race par race, où les éleveurs expliquent leur métier au quotidien. Ces vidéos sont diffusées sur les réseaux sociaux, car nous avons peu accès aux médias. L’idée est d’être au plus près du citoyen, mais aussi au plus près de la réalité des pratiques sur le terrain.

Témoignage
Bruno Dufayet, président de la FNB, fédération nationale bovine. ©S.CHATENET