Les défis d’un vignoble challenger

La Côte des Bar et Montgueux au cœur des travaux d’une session spécifique de la Chambre d’agriculture de l’Aube : le 24 novembre à Celle-sur-Ource, les réflexions sur les enjeux du vignoble aubois ont mis en évidence le rôle déterminant de la dynamique collective.

Vignes, vignoble, Essoyes
Les vignes hautes et larges, expérimentées au vignoble expérimental d’Essoyes constitueraient une réponse à bon nombre de challenges. ©F.NOEL

« Nos premières réflexions ont tout de suite mis en avant les aspects humains, sociaux et sociétaux, qui constituent des enjeux très forts pour notre profession et conditionnent aussi la poursuite de sa réussite économique. » Joël Falmet, vice-président de la Chambre d’agriculture, met en avant tout l’intérêt de consacrer une session aux enjeux de la viticulture champenoise et aux mutations de son environnement, qui place des exploitations à la croisée des chemins.

3 enjeux : humain, social et sociétal
En toute logique le premier de ces enjeux est humain, souligne Joël Falmet : « le développement de notre vignoble est plus récent que celui des autres régions de la Champagne, ce qui nous confronte à des problématiques de transmission. Une nouvelle génération arrive avec ses attentes et ses idées. Enfin l’histoire de notre Côte des Bar et Montgueux est marquée par un collectif et une solidarité remarquables. En s’appuyant sur le maillage de nos sections locales et avec l’accompagnement de notre Chambre, ils ont permis la construction d’ une organisation originale dans de nombreux domaines : développement, technique, économique, coopération, promotion …. » Le second enjeu est social et découle des spécificités de ce territoire dans la Champagne : excepté Montgueux qui se situe aux portes de Troyes, la majeure partie du vignoble couvre un secteur géographique présentant une faible présence d’industries. Il est aussi social car paradoxalement la profession éprouve des difficultés à recruter de la main d’œuvre et les réglementations lui compliquent fortement la tâche. Enfin, le 3ème enjeu principal est sociétal. Joël Falmet rappelle : «  La pression environnementale, les changements de comportements de consommation et l’actualité de ces deux dernières années avec les difficultés liées au gel, le problème de recrutement au palissage et à la vendange, les marchés plus compliqués, nous interpellent.»

Un équilibre fragilisé
Plus précisément, en passant sous la loupe l’évolution des marchés du champagne, il rappelle que les expéditions de champagne affichent une hausse globale de 20% entre 2000 et 2016, avec un point de rupture en 2009. Dans le même temps la part de la France, marché dont les vignerons sont dépendants à 88%, chute de 60% à 52% alors que la part des pays tiers augmente de 15% à 23%. Dans ce contexte, Joël Falmet avertit : « Cette croissance est absorbée par le négoce car ces destinations sont plus lointaines, plus coûteuses, plus compliquées à appréhender pour les vignerons. Cela se traduit par une modification des équilibres : le négoce représentait 66% des expéditions en 2000, il en représente 72% aujourd’hui, et depuis 2009 les vignerons connaissent une accélération de perte de marché avec -18 MB. » Cette évolution s’accompagne d’une fragilisation de l’équilibre entre vignoble et négoce, qui interpelle la profession pour l’avenir de sa capacité de négociation face au négoce dans le cadre interprofessionnel.

Emploi : un mot devenu synonyme de cauchemar
Plus globalement le champagne est confronté à des modes de consommation en forte évolution. La société est aussi marquée par de profonds changements qui ne sont pas sans impact sur les attentes des consommateurs et la consommation de champagne. « En témoigne, constate Vincent Martin, un climat de stigmatisation de la consommation de vin associée à celle d’alcool dans les campagnes publicitaires, une loi Evin rendant la communication sur les vins de plus en plus compliquée, une sensibilité forte à la santé, à la sécurité alimentaire, aux questions environnementales. » Il constate aussi des regards de plus en plus observateurs sur les aspects de responsabilité sociale de l’entreprise et « un consommateur qui s’abreuve d’une information superficielle et plus axée sur l’émotionnel que l’analyse ». F.NOEL