Le bio aubois veut se faire un nom

Dans l’Aube, le bio représente moins de 3% des SAU. Face à une explosion de la demande des consommateurs, la filière doit s’organiser selon Sonia Meirhaeghe, nouvelle présidente du GAB 10. © DR

Dopé par un marché en pleine expansion, le bio poursuit sa montée en puissance dans le département. De nouveau actif, le Groupement des Agriculteurs Biologiques de l’Aube entend participer à la structuration de la filière.

En sommeil depuis près de deux ans, le Groupement des Agriculteurs Biologiques de l’Aube (GAB 10)  a repris du service fin janvier. Porté par sa nouvelle présidente, Sonia Meirhaeghe, exploitante à Feuges, l’association – unique représentante de l’agriculture bio dans l’Aube – renaît de ses cendres pour faire face à l’évolution d’un marché en forte demande. «L’agriculture bio, comme l’agriculture au sens large connait d’importants changements, argumente Sonia Meirhaeghe. Tout va vite, nous avons besoin de nous structurer ».

Si le bio représente 3% des fermes auboises pour 2,4 % de la SAU (Surface Agricole Utilisée), les agriculteurs qui se convertissent savent que le créneau est porteur. « La société prend conscience qu’il faut consommer différemment et l’agriculture biologique bénéficie d’un réel capital confiance auprès des consommateurs avec des chiffres vertigineux » faisait remarquer Sonia Meirhaeghe lors de l’assemblée générale constitutive de l’association le 4 mars qui a rassemblé une trentaine de personnes. La demande a en effet augmenté de 17% entre 2015 et 2016 et la tendance se maintient. Sonia Meirhaeghe en appelle à la prudence. « Si les surfaces converties en bio augmentent, les marchés, fragiles peuvent rapidement arriver à saturation dans certaines productions. Il faut nous organiser. »

Du bio français dans les assiettes

Le GAB 10 entend participer à la structuration de la filière bio. « Si nous ne le faisons pas, estime la présidente de l’association, nous laissons la place à la concurrence mondiale ». Dans la continuité de la loi Egalim – qui impose dorénavant 20 % de bio dans la restauration collective – l’agriculture biologique sait qu’elle a une carte à jouer. Le double enjeu sera alors de fournir en quantité suffisante mais aussi de se faire connaître. C’est l’un des objectifs du GAB 10 cette année : aller à la rencontre des élus et plus largement de tous les acteurs locaux, « pour inciter à mettre du bio français dans les assiettes ». Pour porter les diversités du bio aubois, l’association regroupe au sein de son conseil d’administration des éleveurs bio mais aussi des céréaliers, agriculteurs en circuit-court et un arboriculteur. La structure, affiliée au réseau Bio Grand Est, souhaite aussi faire poids dans l’évolution du cahier des charges. « Aspects sociaux, biodiversité, il y a des manquements importants, soulève la présidente. On ne peut continuer aujourd’hui en France, à faire de l’agriculture bio sans prendre en compte ces aspects ». Afin de sensibiliser et accompagner les agriculteurs bio ou en conversion, plusieurs formations seront mises en place. Protéger ses parcelles, quel rôle donner à la haie, travailler avec le végétal local, quels coûts de production ? sont quelques-uns des thèmes que le GAB 10 veut aborder cette année. © Emeline Durand

Plantes médicinales à Feuges, un marché de niche

C’est un marché de niche que l’agricultrice se plaît à développer depuis l’installation avec son mari, à Feuges, en 2018. Très investie sur les problématiques bio, Sonia Meirhaeghe en cultive les bienfaits dans une culture peu répandue dans le département : les plantes aromatiques et médicinales. A côté des champs de chanvre, betteraves, légumineuses, céréales et luzerne, cette adhérente de la Cuma des Ormes sème en bio, fenouil anis vert, fenouil grec dans la SEP Terobio qui compte deux autres exploitations.  Si « le fenouil se plante l’été et se récolte l’année d’après », détaille Sonia Meirhaeghe, le fenouil vert, l’anis, l’aneth et la bourrache sont plantés en avril pour une récolte à la belle saison suivante. Une fois mûrs, les grains sont laissés au sol trois à quatre jours pour homogénéiser leur maturité, avant d’être ramassés secs et stockés en big bag. Cette production en plein essor à Feuges,  la présidente du GAB 10, a cherché à la mettre en place dès son arrivée dans l’Aube, après une première installation en élevage dans la Saône-et-Loire. « La demande est là, ces herbes sont très recherchées notamment par les tisaneries », détaille l’exploitante. Accompagnée par le Centre d’Initiative pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural (CIVAM) de l’Oasis, implanté dans la Marne toute proche, la société produit pour l’instant exclusivement pour ce marché. Pour la deuxième récolte, l’an dernier, la Sep a enregistré de très belles performances avec une moyenne de 800 kg à l’hectare. Une diversification d’autant plus intéressante qu’elle nécessite peu d’investissement en équipement – une coupe de pré-fauche en plus du matériel commun à la Cuma – et peu énergivore. « On n’utilise pas d’eau, le désherbage est mécanique, après on y passe un peu de temps », concède Sonia Meirhaeghe. Consciente du potentiel de ce marché, la Sep souhaite désormais orienter sa production vers l’industrie pharmaceutique, en forte croissance elle aussi. La surface initiale de dix hectares devrait doubler dès cette année, avec l’apparition de nouvelles plantes. Bourraches, aneth,  ainsi que des racines, échinacée, bardane, pissenlit seront semés au printemps. D’autres plantes comma la valériane ou la chicoré pourrait venir prochainement élargir le panel aromatique de l’entreprise. Mais tout reste à faire, dans une culture où les itinéraires techniques sont à trouver. Un espace de 4000 m2 sera dédié aux essais pour les racines, cette année. Et certaines plantent seront réimplantées sous couvert de céréales. « On tâtonne », illustre Sonia Meirhaeghe. Pour  approvisionner le marché de la pharmaceutique, la société doit investir dans un séchoir. L’opération est programmée pour 2021. Le nouvel équipement devrait trouver sa place dans un bâtiment dédié, alimenté selon le souhait de la Sep, par des panneaux photovoltaïques.